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L’approche décrite ici doit son existence à une confrontation de longue date avec la difficulté à devenir lecteur, d’abord en tant qu’enseignant (tous niveaux du primaire) puis, surtout en tant qu’enseignant spécialisé (RASED), aux prises avec des élèves rétifs à l’assimilation de la combinatoire.
Développée et expérimentée durant plusieurs années sur deux groupes scolaires de Vitry-sur-Seine, elle a principalement été utilisée dans un cadre de remédiation (RASED) pour des élèves dont le parcours d’apprentissage de la lecture avait été chaotique, entravé pour des raisons intrinsèques, liées à leurs capacités propres (perceptives, cognitives, affectives) ou contingentes à des facteurs externes (immigration problématique, scolarité interrompue, enfant non-francophone etc.), le plus souvent à des interactions combinées de ces causes.
Aussi loin que remontent mes souvenirs d’enseignant, dans un premier temps en classes élémentaires puis au sein des R.A.S.E.D. je me suis trouvé confronté à l’épineuse question de l’apprentissage de la lecture. Les modes concernant les méthodes prescrites par l’institution se sont succédées ces dernières décennies (dans les faits une succession de variantes autour des méthodes dites mixtes : départ global/finalité syllabique avec un fort retour de la syllabique « pure »), décrivant une sorte de cercle en revenant à un point antérieur, sans que la quadrature de celui-ci ne soit jamais trouvée : malgré des avancées théoriques de notre compréhension des processus cognitifs à l’oeuvre, aucune technique, aucun outil pratique fondamentalement nouveau n’a réellement changé la donne. Cet apprentissage central reste toujours aussi difficilement maîtrisable.
En effet, quelle que soit la méthode de référence et notre maîtrise théorique du sujet, j’ai pu constater combien il est peu aisé d’appréhender les voies, les cheminements cognitifs, par lesquels chaque élève se fraye un accès vers notre système d’écriture alphabétique. Certains seront davantage sensibles aux formes visuelles, d’autres aux informations auditives ; certains réussiront aisément à mémoriser un signe dépourvu de sens, (comme les formes des lettres, combinées ou non), d’autres assimileront mieux s’ils peuvent s’appuyer sur le contenu (mot); d’autres encore seront surtout réceptifs aux qualités propres d’un support utilisé, conte, personnages, jeu de lettres voire à un type de situation, un contexte etc.
Dans ces conditions, bien souvent l’enseignant ne sait que de façon très approximative à certains moments de sa progression, si tel élève possède bien toutes les pièces du puzzle, ni comment il procède à leur disposition.
Ainsi, cette difficulté à saisir le processus privilégié par lequel untel « entre en lecture » nous rend parfois bien démunis pour lui apporter l’aide dont il aurait spécifiquement besoin.
Il en résulte néanmoins que si nous diversifions les entrées proposées à l’élève, tout en conservant la permanence des codes et procédures, nous augmentons sa probabilité de réussite.
Pour autant, si cette diversification s’avère nécessaire, elle reste encore trop souvent inopérante.
C’est que, contrairement à l’apprentissage de la langue maternelle qui procède grâce à des prédispositions innées communes à l’ensemble de l’espèce, celui de la lecture nécessite une véritable réadaptation de nos structures mentales, réadaptation requérant des facultés très inégalement réparties entre les individus. Il s’ensuit qu’environ un quart des élèves est en difficulté face à cet apprentissage.
Permettre à tous un accès apaisé au langage écrit nous conduit à examiner une fois encore cette incontournable question : que pourrait-on apporter aux plus démunis pour effectuer les opérations cognitives nécessaires à l’entrée en lecture ?
Sans prétendre – loin s’en faut – en saisir et en maîtriser toutes les facettes, je propose ici des outils pour en faciliter grandement une étape cruciale.